VENDREDI 21
Des crabes chinois importés
accidentellement en Europe du Nord migrent chaque année dans
des fleuves et rivières polluées. En Belgique,
lors de leur retour vers la mer, ils sont des centaines de milliers
qui essayant d’éviter les obstacles érigés par les humains,
envahissent écluses, berges, villages et petites villes. Ils sont
partout, dans les caves et sur les toits, dans les lits et sous les
meubles, dans les églises et hors des égouts, allant jusqu’à
boucher les filtres d’une centrale nucléaire. Dominique Loreau
avec un art du contournement inspiré de la marche du crabe,
construit son film d’une manière telle que les questions qu’il
pose ne sont que la partie visible d’un iceberg. Sa partie immergée
et autrement plus importante, sera le lieu d’une expérience
unique, le véritable enjeu du film.
En Géorgie, tout un groupe d’ouvriers spécialisés se retrouve engagé par un commanditaire mystérieux pour déplanter des arbres gigantesques et les convoyer non sans difficultés vers un lieu inconnu. Avec un regard acide et une écriture sans merci, Salomé Jashi nous entraîne dans une aventure hautement surréaliste et résolument corrosive. Tour à tour suspens incroyable, charge écologique imparable, drame humain inacceptable, son film sans en avoir l’air, nous soulève de terre pour mieux nous donner à voir dans toute son horreur cette destruction de la vie devenue sans limite.
SAMEDI 22
14h Là où tout se joue
Jamel, Matthieu, Ali… ont entre 20 et 35 ans et viennent des quartiers populaires de Sevran. Ils racontent pour la première fois leur parcours, leur idéaux et leur façon de surmonter l’adversité, loin des clichés sur les jeunes hommes de banlieue dont ils sont souvent les victimes. De leurs récits nait une œuvre théâtrale. Elle sera jouée dans l’intimité des appartements de cette ville jusqu’ici sans théâtre. Lors de ces représentations, artistes et public vont inventer de nouveaux espaces de dialogue dans lesquels les mondes vont se rencontrer. Réalisé dans une réelle proximité, toute en nuance, « Là où tout se joue » a cette qualité essentielle de ce qui se crée dans l’instant et trouve son souffle et sa durée dans nos vies partagées.
14h Le jour de sortie
Le confinement est levé. Les pensionnaires âgés d’un home peuvent enfin sortir. La direction leur propose une ballade d’une heure en bus pour redécouvrir les environs de leur village. Et les voilà partis. Sophie Bruneau les accompagne et Marie-Françoise Plissaert les filme. Au plus près. C’est simple, sans commentaire mais avec empathie. Sensible et juste. Et le hors champ prend toute son importance, dans ce qui ne se voit pas, ne se dit pas mais se découvre, se devine. Et c’est la force du cinéma de Sophie Bruneau, l’invention d’un récit entre elle et le spectateur. Une autre façon de voir, une autre façon de vivre.
14h La Boum 2
Ambiance paisible d’un dimanche
après-midi. Des femmes, des hommes se promènent au bois. Soudain
tout se fige. Un cordon de flics approchent menaçant, des autopompes
les suivent. Les promeneurs se dispersent et fuient. Ils sont
poursuivis. Que se passe-t-il ?
Qu’est ce qui se joue dans
cette brutale répression ?. On a déjà oublié. Le
confinement. Le Covid. Le film d’Hugo Van Der Vennet est là pour
nous le rappeler. Volontairement muet, sans aucun son pour mieux
donner toute sa force au regard, à l’image, « La Boum 2 »
témoigne. A nous de voir.
16h30 Éclaireuse
Marie et Juliette ont quitté l’enseignement classique pour ouvrir au cœur de Bruxelles une école où elles accueillent des enfants sans passé scolaire, souvent issus de l’exil. Elles leurs offrent un lieu et un temps hors des apprentissages scolaires formels pour être ou redevenir des enfants, avant d’affronter l’institution scolaire qui attendra d’eux d’être des élèves. Entre réalisme sans fard et imaginaire utopique, Lydie Wisshaupt-Claudel filme au plus près ce formidable pari pédagogique. La présence complice de sa caméra nous fait vivre comme de l’intérieur les rêves et le combat qui animent ces deux « éclaireuses » hors normes. Déployant une énergie incroyable celles-ci ne reculent devant aucune difficulté, aucun obstacle, trouvant sans cesse réponses à leurs questions. Et cet élan irréductible, cet engagement de toutes les secondes va devenir contagieux et susciter plus que notre adhésion, notre complicité.
18h30 Mamie 44
« Dans un dialogue à travers plusieurs étages, une fille aborde avec son père, un historien et un inconnu, des évènements qu’elle n’a pas vécu et que pourtant elle semble avoir traversé. » Résumé bien mystérieux qui ne divulgue rien du récit qui traverse le film de Lucie Dèche. Et c’est tant mieux. Le film se construit sur un secret et pour se faire invente une écriture singulière où chaque plan se lit à des niveaux différents, entre métaphore et polysémie. Sans concession mais avec une sensibilité juste qui échappe aux lieux communs du bien et du mal, elle questionne, interroge ce qui derrière les paroles et les images permet de dépasser les ambiguïtés, les faux semblants, les mensonges qui tiennent toute une vie debout. Et l’indéniable réussite de ce film inattendu est à la hauteur de la « vérité » difficile, douloureuse qu’il ramène vers la lumière. Un vrai moment de cinéma.
21h30 Dans dehors
Il suffit de marcher,
de faire pour se saisir de toute chose, pour prendre.
Tout,
dans
un
certain
sens,
est
dans
le
lieu.
Tout
est
à
ma
disposition.
Il
me suffit de dire "je peux", pour que je sois partout chez
moi.
DIMANCHE 23
Au début des années 60, Paulette et André
Andrieu décident de filmer le quotidien de leurs parents, paysans
rouergats du causse, aux environs de Villeneuve d’Aveyron. Pendant
plusieurs saisons, ils vont documenter les différents moments de la
vie de la ferme avec une caméra 8mm. Ces films « amateurs »
sont remarquables par la qualité de leur regard, le soucis de leur
présence s’attachant à la vérité des corps et des gestes du
travail paysan. Muet à l’origine, ils sont commentés en langue
occitane par André Andrieu,
ce qui donne une profondeur et une
authenticité unique à cette œuvre de mémoire rare et
passionnante.
Du cinéma documentaire au plus beau sens du terme.
16h00 Cien ninos esperando el tren
Au Chili durant la dictature, une
professeure s’engage autour d’ateliers de cinéma dans des
quartiers défavorisés pour encourager l’imaginaire créatif des
enfants et leur offrir de nouveaux horizons. Ignacio Agüero suit
l’évolution de cette expérience de cinéma, y trouvant une forme
de résistance, un chemin d’émancipation face à un pouvoir
totalitaire omniprésent. Son regard et son attention de cinéaste
pour ce qui se cherche et naît de cette rencontre constitue en soi
un engagement politique d’une force peu commune.
16h00 Arte in vivo
Au Mexique, de nombreuses équipes de « peintres en lettres » couvrent les murs d’annonces d’évènements populaires : concerts de musique folklorique, rodéos… Le film suit l’équipe d’El Mosco, José Peter et El Diablito en pleine action sur le périphérique de Mexico. Leur métier exige rapidité et efficacité. Leur savoir-faire est instinctif et empirique. La voix de Pegaso, autre peintre en lettres du Chiapas, raconte et accompagne les images prisent sur le vif. Et lentement un art de la rue se dessine sous nos yeux ébahis. Une surprise.
18h00 We are coming, chronique d’une révolution féministe
Le film de Nina Faure par son écriture et
l’enjeu de son propos tranche résolument dans le didactisme
convenu d’un « cinéma militant » ankylosé de
bonnes intentions. Retraçant la montée du mouvement féministe
durant ces dix dernières années, il met en scène la réalisatrice
et son amie, Yéléna Perret, qui de rencontres en lectures, de
luttes en expériences communes vont progressivement dessiner un
parcours politique pertinent. Ici ce qui importe est le cheminement,
le devenir et le film de Nina Faure joue sans cesse des aléas d’un
« voyage » où les questions et comment elles naissent
sont aussi importantes que les vérités fragiles des réponses.
21h Dawson City, le temps suspendu
Le film de Nina Faure par son écriture et
l’enjeu de son propos tranche résolument dans le didactisme
convenu d’un « cinéma militant » ankylosé de
bonnes intentions. Retraçant la montée du mouvement féministe
durant ces dix dernières années, il met en scène la réalisatrice
et son amie, Yéléna Perret, qui de rencontres en lectures, de
luttes en expériences communes vont progressivement dessiner un
parcours politique pertinent. Ici ce qui importe est le cheminement,
le devenir et le film de Nina Faure joue sans cesse des aléas d’un
« voyage » où les questions et comment elles naissent
sont aussi importantes que les vérités fragiles des réponses.
Avec
beaucoup d’humour et d’auto-dérision, Nina Faure réussit un
film qui cible juste,
prend son temps là où ça dérange et ne
s’arrête pas au seul but à atteindre.
21h Dawson City, le temps suspendu