VENDREDI 21
Près d’un petit village des Cévennes, Saint Germain de
Calberte, un homme âgé et un jeune homme restaurent un étroit canal taillé dans
le schiste. En suivant ce canal, on découvre les gestes, le savoir faire des
deux hommes et les lieux presque sauvages d’une forêt. Le film de Pauline Rigal
est à la jointure de ces deux mondes qui n’en font qu’un : ce travail de
sauvetage et d’entretien qui ramène le passé et le transmet. Et la présence
presque silencieuse et calme de l’eau, du soleil et du vent qui coule entre les
arbres, entre les plans du film, entre eux et nous. Et nous relie ensemble en
une même rencontre. Poésie visuelle, cinéma de l’instant et beauté de la
pellicule,
Mills of time est un instant rare de beautés et de fragiles vérités
qui délicatement nous font un bien fou.
21H00
Bande-son pour un coup d’état
Guerre froide. Indépendance des nations africaines.
Assassinat de Lumumba. Le colonialisme Euro-Américain mis en cause, veut garder
et son contrôle et son pouvoir gestionnaire. IL y parvient via des stratégies
odieuses. Parmi elles, le jazz noir devenu carte de visite de la domination
blanche.
Le film de Johan Grimonprez couvre ces années 50/60
inventant une écriture étonnante. Loin d’un discours informatif, le film nous
plonge au cœur de ces turpitudes et les déconstruit jusqu'à la lie coloniale
avec une science du récit qui nous subjugue et nous emporte. Cinéma radical
s’il en est, ce film par son approche sans concession, nous fait vivre une
expérience unique qui à chaque instant nous ramène à notre présent, nous
donnant plus que des pistes pour en changer le cours.
SAMEDI 22
14h Toto et ses sœurs
Toto, 9 ans, vit avec ses grandes sœurs dans un quartier délabré des abords de Bucarest. Les trois enfants roms, livrés à eux mêmes, s’entassent dans une seule pièce. Soudain tout change. Toto et l’une de ses sœurs sont acceptés dans un orphelinat. Toto y apprend à lire, écrire, rire… et se découvre une passion : la danse et le hip-hop. Le film avec un regard d’une grande pudeur et une écriture juste et complice, fait le récit de cette vie dramatique, faite de haut et de bas, mais qui nous tient presque en haleine, tant l’émotion qu’elle suscite nous concerne et nous bouleverse.
16h Silence voice
Khavaj a fuit la Tchétchénie après que son frère ait découvert son homosexualité et juré de le tuer. Arrivé en Belgique et devenu mutique face au choc de l’exil, il va tenter de se construire une nouvelle identité. Reka Valerick filme Khavaj en gros plan, en gestes serrés, jouant d’une approche fragmentaire et fragile. Se faisant, il tente de répondre à cette question : comment transmettre les émotions et le vécu d’une personne privée de mots et de visage ? Et il y réussi étonnamment bien en créant un espace inattendu d’intimité physique entre Rekha, le spectateur et lui. Et ce triangle cinématographique va nous rapprocher de Rekha, de son histoire et quelque part de cette vraie vie que nous partageons et qui est tout simplement de l’ordre de l’essentiel.
16h Spectre de la guerre: fantômes, somnambules et insomniaques dans l’Allemagne de Weimar.
Alors que la guerre sévit partout, cette présentation
propose de suspendre le flux des images d’actualités pour interroger les
archives – cinéma, photographie mais aussi dessins, peintures, objets – et
retracer l’histoire des représentations de la guerre : leurs apparitions
et leurs disparitions, leurs usages politiques et militaires, artistiques et
propagandistes.
Elle prend pour objet les images de la Première Guerre
mondiale en Allemagne, envisagées comme autant de signes d’une monstruosité
passée, présente et à venir. Il s’agit de comprendre ce moment charnière qu’a
constitué le « premier conflit médiatisé », son rôle dans la
constitution d’un traumatisme collectif. Nous cheminerons dans ces images pour
nous demander, entre autres : qui les montre et pourquoi ? Lesquels
prennent position ? Pour ou contre la guerre ?
21h00 Jusqu’à ce que le jour se lève
Dans les marges de la périphérie d’une ville, ils sont
chômeurs, ouvriers, travailleurs du tertiaire. Ils partagent leurs semaines
entre labeur et week-ends beuverie. Ils sont les amis d’enfance du réalisateur
qui les filme au plus près, dans leur vie quotidienne là ou la banalisation du
travail cache parfois un désespoir profond. Il les filme mais c’est un film
avec eu qu’il tourne, pour eux et lui. La distance documentaire ici ne joue
pas. Ce qui se devine est cette force d’être ensemble, de faire corps, de faire
classe. Jusqu'à ce que le jour se lève est peut être politiquement parlant un
film sur l’amitié. L’amitié ici est politique. Et cette amitié devient le lieu
secret du film, un territoire propre a ceux qui le vivent, pouvant accueillir
des moments complices, à la marge des normes et des identités, là ou quelque
chose peut advenir. S’inventer, se vivre en inventant la vie.
DIMANCHE 23
En 1962, Yann Le Masson filme la parole de militantes
algériennes à leur sortie de prison en France. 50 ans plus tard le film est
retrouvé, le son a disparu. Que disaient elles, que ne disaient elles
pas ? Raphael Pillosio part en Algérie à la recherche de ces femmes.
Enquête sur un passé trop souvent méconnu, comme occulté, disparu. A l’instar
de la bande son, silence. Un « pourquoi ce silence ? » traverse
tout le film. Raphael Pillosio n’y répond pas directement, laissant
volontairement au spectateur un hors champ ou construire son récit et c’est
formidable. Car ce voyage dans ce passé méconnu via la mise en scène du
réalisateur finit par nous interroger sur notre présent. Devenus complices de ces femmes, il nous amène à
poursuivre avec elles un combat essentiel et toujours d’actualité.
16h30 Oubliez Tosquelles
« Francois Tosquelles est un psychiatre catalan exilé
en France à la fin de la guerre civile espagnole. Il anima le centre
psychiatrique de Saint Alban en Lozère et en fit le berceau de la
psychothérapie institutionnelle ». Derrière ce plat résumé se cache un
homme hors du commun et le film d’Enric Miro va nous le faire découvrir.
Mais pas n’importe comment. Véritable expérience cinématographique, son film
trouve une forme et une écriture très singulières et personnelles. Mêlant
documents d’archives, enregistrements et interviews à une voix off qui voyage
le passé en pensant au présent, il nous entraine à faire des propositions
révolutionnaires de Tosquelles des questions fondamentales pour changer nos
habitudes de penser et de vivre. Formidable transmission, bien au-delà d’un
simple portrait, c’est à un héritage de savoir et de savoir faire doublé d’une
profonde empathie que Enric Miro nous convie.
19h00 Longtemps ce reagard